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Lèvres gourmandes. Paupières fardées. Derme rose. L’œuvre tout en chair de l’artiste américain Tom Wesselmann (1931-2004), que la Fondation Louis Vuitton, à Paris, expose à partir du 17 octobre, est identifiable entre mille, sans être reconnue à sa juste valeur. Sa palette franche fut jugée trop flashy, ses sujets gorgés de désir, trop obscènes. A la réouverture du Whitney Museum dans un bâtiment flambant neuf, en 2015, le peintre trônait bel et bien dans la salle dédiée au pop art, une étiquette qu’il a souvent réfutée de son vivant.
De tous ses contemporains, il est le mal-aimé. « C’est pourtant l’un des trois grands, avec Andy Warhol et Roy Lichtenstein », fait valoir le marchand new-yorkais Christophe Van de Weghe. Ses prix, toutefois, sont à des années-lumière de ceux de ses pairs. « Quand un chef-d’œuvre de Warhol vaut 200 millions de dollars, le top de Lichtenstein 55 millions, un grand Wesselmann, c’est 6 millions de dollars ! Le prix d’un jeune artiste dont on ne sait pas ce qu’il vaudra dans cinq ans, alors que Wesselmann est, lui, dans l’histoire ! », se désole M. Van de Weghe.
Son confrère Emilio Steinberger, l’un des directeurs de la galerie new-yorkaise Lévy Gorvy, apporte un début d’explication : « Il a beaucoup moins produit que les deux autres. Pour un Wesselmann, il y a quinze Lichtenstein et trente Warhol. Les gens répugnent à le mettre en vente. Du coup, le marché est cahoteux. » C’est en partie vrai, mais ce n’est pas la seule explication.
Né en 1931 dans l’Ohio, Wesselmann rêvait d’abord de devenir dessinateur humoriste avant de s’affirmer comme artiste à partir de 1961 avec sa série des Great American Nude, dont une version était proposée en juin par Christophe Van de Weghe sur la foire Art Basel pour 5,5 millions de dollars. Même s’il peint aussi des hommes, verges et glands en gros plans, la femme apparaît d’emblée comme un sujet obsessionnel, le corps délimité, cerné, les membres éclatés façon puzzle. Même les châssis épousent les contours féminins. A la différence de ses camarades du pop art, qui tiraient leurs figures féminines de magazines, lui peignait des modèles en chair et en os. Comme Matisse, sa référence absolue.
Wesselmann a beau être un digne héritier du peintre français, ses nus s’inscrivent dans un tout autre contexte, l’hédonisme des sixties et le consumérisme américain. Canette de Budweiser, milk-shake, 7 Up, hamburger… Tous les attributs de l’American way of life figurent dans le décor.
Longtemps, le marché de Tom Wesselmann a été léthargique. L’œuvre qui fétichise à outrance la bouche, pulpeuse forcément, les mamelons, le pubis ou la trace d’un bikini, a pu sembler répétitive, pis, suspecte aux yeux des féministes. Wesselmann assume certes la révolution sexuelle : ses femmes sont libérées et jouisseuses. Mais dépourvues de regard, associées à des fruits ou à des fleurs comme une simple nature morte, elles paraissent juste bonnes à être regardées, des femmes-objets en somme.
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